Réseaux Sociaux

Pourquoi l’IA est une mauvaise nouvelle pour les majors ?

Elles sont partout sur les réseaux sociaux : ces derniers temps, on a pu remarquer l’émergence de nombreux extraits de reprises de célèbres morceaux par des artistes mondialement connus. Leur particularité ? Aucun de ces artistes n’a réellement repris ces morceaux : ils sont tous le fruit d’une intelligence artificielle capable de recréer les voix des artistes et de les transposer pour créer ces fameuses reprises.

Entre créativité, progrès, mais également questions de propriété intellectuelle, l’IA serait-elle l’avenir de la musique ou un réel problème pour les artistes ?

Comment ça fonctionne ?

Aujourd’hui, plusieurs plateformes telles que AIVA, Soundful ou encore Boomy permettent de générer de la musique grâce à une intelligence artificielle. Ces applications donnent notamment la possibilité de créer de tout nouveaux morceaux, et de les mettre en ligne sur les différentes plateformes de streaming, comme Spotify.

Tous ces générateurs de musique par intelligence artificielle utilisent des algorithmes afin de générer de la musique. Ces algorithmes s’appuient sur des morceaux déjà existants, pouvant par la suite recréer un nouveau morceau similaire à ce dernier. Plusieurs possibilités s’offrent ainsi à l’utilisateur : créer de la musique, remixer ou reprendre un morceau, par exemple. En générant de la musique, les utilisateurs peuvent par la suite faire leurs propres ajustements, jusqu’à obtenir ce qu’ils recherchaient. Les morceaux ainsi créés pourront ensuite être utilisés pour nourrir la base de données de l’algorithme des plateformes.

La limite de création se situe néanmoins dans le principe même du fonctionnement de ces plateformes : elles s’appuient sur de la musique déjà existante. Pour créer une reprise d’un morceau comme mentionné précédemment, il faudrait donc que le morceau soit assez connu, mais également que l’artiste dont on veut reprendre la voix le soit aussi, pour obtenir un résultat proche de la réalité.

Et ça, beaucoup l'ont bien compris : le nombre de covers générés par des IA et publiés sur les réseaux sociaux ces dernières semaines a explosé ! “Die for You” (The Weeknd) reprise avec la voix de Michael Jackson, “Video Games” (Lana Del Rey) chantée par la voix de Lady Gaga, ou encore “Just The Two Of Us” (Grover Washington, Jr.) interprétée par la voix de Kanye West… Les possibilités et combinaisons de genres, d’artistes, et d’époques sont infinies mais ont l’air pourtant si réalistes à l’écoute.

Une grande nouvelle pour les artistes

S’il y a quelque chose que peut soutenir ces générateurs de musique par IA, c’est bien la créativité. C’est une véritable aubaine pour les artistes, puisque ces derniers peuvent dorénavant utiliser l’intelligence artificielle pour créer des morceaux uniques et donner vie à des projets originaux sans efforts. 

En termes d’exemple, on peut citer le duo franco-américain AllttA et leur morceau inédit en featuring avec Jay-Z… mais de manière artificielle. En effet, le duo a produit le morceau “Savages”, généré avec la voix du célèbre rappeur américain grâce à une IA. Résultat d’une expérimentation unique, mais pour le moins extrêmement réaliste. Véritable coup de communication pour le duo avec ses 200 000 vues cumulées en 6 jours, le morceau est disponible sur YouTube mais n’est pas sorti de façon officielle sur leur album, pour des raisons évidentes de propriété intellectuelle.

L’utilisation de l’intelligence artificielle dans la musique pourrait ainsi être très intéressante pour l’avenir de l’industrie musicale et transforme déjà la manière dont les artistes créent et produisent leur musique. 

Les intelligences artificielles permettront peut-être un nouveau modèle économique dans la musique, mais sans encadrement juridique cela n’est pas possible”, explique 20syl, producteur du duo AllttA. Alors qu’en est-il des possibles dérives de ces créations et de l’utilisation potentielle de la voix d’un autre artiste sans son consentement ?

Un problème de propriété intellectuelle

Les majors trouvent cependant de réelles problématiques à travers ces solutions reprenant les voix de leurs artistes les plus connus. 

Pour protéger les droits de ses artistes, Universal s’est manifesté pour supprimer des plateformes un morceau original intitulé “Heart On My Sleeve” produit avec une intelligence artificielle et reprenant les voix de Drake et The Weeknd. Avant sa suppression, le morceau avait notamment atteint près de 15 millions de vues sur TikTok, plus de 600 000 streams sur Spotify, et plus 250 000 vues sur YouTube. 

Le problème ici est la possibilité pour n’importe qui de télécharger sur les plateformes un morceau généré par une IA, et ce avec la voix de n’importe quel artiste sans son consentement. “Heart On My Sleeve” n’est évidemment pas le seul morceau reprenant artificiellement des voix d’artistes connus et qui soit disponible sur les plateformes : beaucoup d’autres existent, et les majors se doivent d’être vigilant quant à leur présence. 

Ces cas démontrent pourquoi les plateformes ont une responsabilité légale et éthique fondamentale pour empêcher l'utilisation de leurs services d'une manière qui nuit aux artistes. Nous sommes encouragés par l'engagement de nos partenaires sur ces questions, car ils reconnaissent qu'ils doivent faire partie de la solution” affirme le porte-parole d’Universal. 

On peut notamment faire un parallèle avec la technologie Deep Face, proposée par Facebook il y a quelques années. Ce système alimenté par une intelligence artificielle propose la reconnaissance faciale de visages sur les images postées sur internet. Le logiciel avait posé de véritables inquiétudes en termes de vie privée sur les réseaux sociaux, et Facebook a ainsi dû supprimer les données de reconnaissance faciale de plus d’un milliard d’utilisateurs. 

De ce fait, l’intelligence artificielle regorge de potentiel pour l’avenir mais son utilisation n’est pas sans risques. En tout cas, il est certain que son arrivée dans l’industrie musicale va radicalement changer les codes, et son évolution reste encore à suivre. 

Alors, qu’est-ce qu’on en pense ?