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L’industrie du rap s’offre sa première cérémonie en Europe

Le 11 mai dernier se tenait la première cérémonie française de remise des prix entièrement dédiée au rap et cultures populaires. L’événement, appelé Les Flammes, se déroulait à Paris et était organisé par deux médias français : Booska-P et Yard. 

Cette première fois va-t-elle avoir un impact sur le marché du rap et ses événements dédiés ?

La place du rap dans les cérémonies de remises de prix

Premier marché mondial de la musique, les Etats-Unis proposent tout un panel de cérémonies grand public récompensant les artistes pour leurs morceaux, comme les American Music Awards, les Grammy Awards, et les Billboard Music Awardspar exemple pour ne citer que les plus connus. Également réputé comme le plus gros marché du rap et hip-hop dans le monde, il est évident pour le pays de mettre en avant les artistes urbains à travers des cérémonies de remise de prix. Pourtant, très peu de cérémonies entièrement dédiées au rap et aux musiques urbaines sont organisées. On peut citer parmi ces rares dernières les BET Hip Hop Awards et les Urban Music Awards , qui ne représentent qu’une minorité face au nombre considérable de remises de prix américaines qui se voient majoritairement généralistes. 

Deuxième plus gros marché du rap et hip-hop après les Etats-Unis depuis des décennies, la France a fait de ce genre musical le plus populaire du pays. En effet, depuis ces cinq dernières années, le rap et les musiques urbaines y sont en moyenne écoutés 70% de plus que les autres genres musicaux. Pourtant, le rap s’est toujours vu absent ou très peu représenté lors des grandes cérémonies de remise de prix françaises (NRJ Music AwardsLes Victoires de la Musique…). 

En Europe, on remarque le même phénomène. Nombreuses sont les cérémonies grand public mettant en avant les musiques généralistes, mais le rap et les musiques urbaines ne possèdent malheureusement pas de cérémonies spécialisées. Les morceaux de ces genres musicaux sont parfois uniquement mis en avant à travers une seule catégorie de récompense, où passés à la trappe. Pourtant, l’Europe connaît de grands marchés du rap : on peut citer par exemple le Royaume-Uni ou encore l’Allemagne, mais ces deux pays ne transmettent pas leur proportion à travers des événements dédiés au rap.

Les enjeux de la cérémonie Les Flammes

Pour la première édition d’un événement de niche, Les Flammes ont amplement rempli leur mission de toucher à la fois un public de passionnés mais également les professionnels de l’industrie musicale. En effet, la grande majorité des médias français, traditionnels et spécialisés, ont relayé l'événement. En parallèle, on a pu voir plusieurs médias internationaux revenir sur les faits marquants de la cérémonie, témoignant ainsi de la réussite de cette dernière en termes de retombées presse. 

Le problème majeur que rencontrait le rap lors des cérémonies de remise de prix généralistes dans la musique était celui de la sous-représentation. Problème réglé avec Les Flammes: le rap sous toutes ses formes était à l’honneur, avec un large panorama d’artistes issus de tous les sous-genres musicaux y étant rattachés. Entre musique caribéenne, R&B, ou encore urban pop, les musiques de la culture populaire dans leur globalité ont pu gagner en représentation et en inclusivité.

Une des forces des artistes urbains reste aujourd’hui leur fanbase, très souvent impliquée et prête à tout pour le soutien de leur artiste favori. Et ça, Les Flammes l’ont bien compris. Pour cette raison, les votes étaient composés à 50% par le choix du public, et 50% par un jury de professionnels dans la plupart des catégories de prix. Résultat : des artistes à la fanbase largement impliquée ont pu remporter certaines nominations face à d’autres artistes bien plus médiatisés ! 

Mais Les Flammes n’ont pourtant pas échappé aux critiques : un événement se voulant représentatif de la culture populaire sans représenter certaines communautés, des artistes qui auraient mérité d’être dans les sélections mais qui y ont échappé, une organisation qui aurait pu être plus focalisée sur la musique et moins sur le lifestyle… Ces controverses ne sont évidemment pas propres à l’événement, puisque la plupart des cérémonies du même registre ont déjà suscité les débats. En effet, on retrouve chaque année les mêmes problématiques lors des remises de prix américaines, comme les BET Hip Hop Awards par exemple, au cours desquelles certains artistes ont pu exprimer leurs désaccords envers les gagnants de certaines catégories.

L’intérêt des cérémonies consacrées au rap

Si l’on s’intéresse aux différents classements, aussi bien mondiaux que locaux (pour les gros marchés du rap : USA, France…), on peut se rendre compte que les artistes rap monopolisent presque les tendances. En termes d’exemple, en France, le Top 50 Spotify peut se composer jusqu’à 80% de rappeurs selon les périodes. 

Mais ce monopole des classements n’est pas uniquement causé par l’engouement d’un public de rap-lovers... On a pu remarquer ces dernières années l’émergence d’une tendance particulière à vouloir faire les plus gros chiffres dès les premières semaines d’une sortie. Si les budgets marketings des artistes restent aujourd’hui encore flous, on peut néanmoins se douter que les dépenses promotionnelles de ces derniers pourraient être plus élevées dans le rap que les autres genres musicaux, moins représentés en France notamment. Un gros budget promotionnel Spotify expliquerait ainsi en partie l’omniprésence du rap et des musiques urbaines dans les classements. Spotify, grand terrain de jeu des artistes urbains, s’est d’ailleurs vu soutenir Les Flammes , créant en amont une playlist officielle avec les morceaux des nominés.

Mais alors dans quel intérêt créer un événement dédié au rap ? Pour célébrer l’un des genres les plus écoutés dans le monde pour commencer. Pour remplir un intérêt commercial également : à titre d’exemple, Les Flammes ont boosté de manière significative le nombre de streams des artistes présents et nommés lors de l’événement. +242,5% sur les streams du titre “Ce que tu m’as fait” de Monsieur Nov, ou encore +117,73% sur les streams de “Laptopde Kalash et Maureen, ces augmentations spectaculaires prouvent l’impact que peuvent avoir les cérémonies du même modèle. On y voit ici un véritable moyen de promotion pour les artistes. Enfin, pour avoir une visée médiatique puisque, comme dit précédemment, les relais médias furent nombreux.

En conclusion, pour cette première édition, Les Flammes semblent avoir réussi à marquer les esprits, aussi bien localement qu’à l’international. Ce nouveau genre d’événement spécialisé pour un seul genre musical pourrait sûrement donner des idées aux autres gros marchés du rap de créer leur propre version. Dans le même concept, y aura-t-il de nouvelles cérémonies de récompenses dédiées à d’autres genres musicaux, sous-représentés lors des cérémonies généralistes ? Les Flammes ont-elles insufflé la démarche aux grands événements généralistes de l’industrie musicale d’inclure un peu plus le rap pour leurs prochains événements ?

Dans tous les cas, c’est un grand pas pour le rap en France et en Europe, mais également et surtout une grande victoire pour les médias organisateurs de l’événement : Booska-P et Yard. Les Flammes ont en effet permis à ces derniers de monter en grade sur la scène des médias grâce à l’envergure de l’événement, en rassemblant artistes, professionnels et consommateurs de rap.

Un rendez-vous annuel à ne plus jamais manquer ? Affaire à suivre…